Nicolas Guyot Nicolas Guyot

Petite géologie de l’image

N’avez-vous jamais été dérangé par une image, ou simplement interloqué, ou encore, dans le meilleur des cas fasciné ?
Ce petit pincement dans le ventre qui …

N’avez-vous jamais été dérangé par une image, ou simplement interloqué, ou encore, dans le meilleur des cas fasciné ?

Ce petit pincement dans le ventre qui arrête le cours de la pensée et nous plonge dans un univers autre, nous ne l’anticipons pas, mais il nous fait voyager intérieurement dans le temps et dans l’espace là où nous n’avions pas eu l’idée d’aller.

Nommer ce pincement, pour qu’il embrasse la complexité des émotions n’est pas chose facile. Il y a un mot qui me vient à l’esprit, mais il a différents usages. Sur la paroi, en escalade, il s’exploite avec envie, permet de passer, d’avancer, d’aller chercher la prise suivante et de se mettre dans une nouvelle position pour aller plus loin. En géologie, c’est une ouverture dans le sol ou sur le plancher océanique, ces mouvements de la croute terrestre sont des lieux d’interactions qui peuvent créer une frontière. À d’autres niveaux on s’engouffre dedans, par la pensée, dans un échange verbal, ou plus prosaïquement de manière juridique… On retrouve ce mot dans de nombreuse facette de la vie et de nos vies : La faille.

 

La faille, comme conçue ici, est plus de l’ordre du mouvement, elle se crée en nous, déclenchée par un événement. La vision d’un tableau, l’écoute d’une musique, d’un texte ou d’une actualité, les discutions avec d’autres personnes… Elle n’est pas préméditée, c’est en ça qu’elle est spéciale et qu’elle porte un pouvoir et une énergie propre.

J’aime quand une œuvre me fait réagir autrement que par sa beauté plastique, je considère même que si elle me fait réagir autrement que par son esthétique elle est belle. Peut-être aurais-je du mal à la regarder ou à l’écouter une seconde fois, mais j’y penserais à coup sûr. Dans tous les cas elle aura déclenché une vibration, une énergie qui aura modifié le cours de ma pensée.

Déclencher des failles, des brèches, des ruptures dans le fil de l’esprit pour avoir l’opportunité de se placer dans un ailleurs qui nous autorise à rectifier la pensée, c’est la mission de chaque artiste. Avec la pluralité de nos vies, la diversité de nos mediums et par la sincérité de nos actions nous devons transmettre cette énergie créatrice de failles…

Chercher cela, à chaque fois, lorsque je malaxe mes photographies dans les bains de chimies, que je déplace mes agrandisseurs ou que je manipule avec les doigts la gélatine du bromure d’argent… chercher la faille dans l’image pour qu’elle apparaisse d’elle-même… c’est une recherche sans limite mais jonchée de découvertes et de surprises… comme par exemple ici dans « La charogne » où le mouvement et l’immobile se côtoient sans nous laisser de réponse et ouvrent un espace dans lequel s’engouffrer…

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Nicolas Guyot Nicolas Guyot

Le temps, le lieu et l’image

Une image, photographie, dessin ou peinture, a-t-elle besoin d’être définie dans le temps et dans l’espace ? La question ici n’est pas d’ordre physique, et n’entre pas dans le champs de la relativité restreinte et de la…

Une image, photographie, dessin ou peinture, a-t-elle besoin d’être définie dans le temps et dans l’espace ? La question ici n’est pas d’ordre physique, et n’entre pas dans le champ de la relativité restreinte et de la dimension spatio-temporelle, mais elle est plutôt de l’ordre du ressenti humain, de nos relations intimes avec nos vies.

Ce sont nos souvenirs, ces expériences qui laissent des traces impalpables, qui marquent notre temps propre. Finalement, intimement, n’arrêtons-nous pas le temps pour le récupérer à notre guise et le replacer à d’autres endroits ? Nous avons la fabuleuse capacité mentale de réunir la diversité spatiale et temporelle de certains de nos souvenirs en une nouvelle position qui les résume tous.

Sentir que l’on a déjà vécu ce moment, ne pas comprendre pourquoi tel lieu nous dit quelque chose, voir toujours la même scène dans des endroits différents… pourquoi produisons-nous inconsciemment ces visions, et comment arrivons-nous à produire notre propre réalité ?

Tout est question de ressentis, de sensations qui traversent le corps, tout cela est finalement physique – au sens corporel – et notre perception, couplée à notre réaction, fabrique une réalité.

Lorsque nous regardons une image, a fortiori une représentation, ce qui fait que nous nous en souvenons, c’est que le temps qu’elle montre est implicite, il n’existe pas sur l’image mais est imaginé par nous-mêmes. Nous fabriquons le temps que l’on voit sur l’image par rapport au temps que nous avons vécu, et ainsi nous fabriquons un nouveau souvenir. Nous accumulons ainsi des couches de temps qui se mélangent entre elles et se reforment continuellement. Cette image vue restera comme une expérience intime, et nous pouvons même en prendre possession si elle rejoint l’ensemble de nos vécus.

Les lieux sont également des intimités fortes, en tant qu’ils marquent également des moments. Mais dans nos souvenirs leurs représentations se diffusent pour ne garder que des points précis, marqueurs de nos émotions. Là aussi lorsque nous regardons un image, l’espace représenté - s’il n’est pas explicite -, prendra la force du souvenir.

Ce mélange, sur l’image, de différents temps et d’altération géographique du lieu - pour le situer partout – permet de dépasser ce que l’on pense voir. Il ouvre un peu plus notre perception au monde.

Cliquer ici pour découvrir l’œuvre “Alter écho”

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